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Qu’est-ce qu’une Esquinade ?


Je voudrais… je voudraismoi aussi poser des questions. Et en poser à vous, eten poser à moi même. Ce serait, heu…, ce serait du genre : qu’est-ce que vous faites aujuste, vous qui faites du cinéma? Et moi, qu’est-ce que je faisau juste quand je fais ou quandj’espère faire de la philosophie? Eh…, est-ce que l’on a quelquechose à se dire, en fonction de cela? Alors bien sûr, cela va mal chez vous,mais ça va très mal aussi chez moi, et c’est pas seulement çaqu’on aurait à se dire – Ou bien je pourrais poserla question autrement: “Qu’est-ce que c’estavoir une idée au cinema?” Si l’on fait du cinéma, ou si l’onveut faire du cinéma: “Qu’est-ceque c’est avoir une idee?” Alors, ce qu’on dit: tiens, j’ai une idée. Parce que d’une part tout lemonde sait bien qu’avoir uneidée, c’est un événement rare, ça arrive rarement, avoir une idée c’est une espèce de fête. C’est pas courrant. Et d’autre part, avoir une idée,c’est pas quelque chose générale. On a pas une idée en général. Une idée, elle est déjà vouée, tout comme celui qui a l’idée, elle est déjà vouée, à tel tel… domaine. Je veux dire que… une idée, c’est… tantôt une idée en peinture, tantôt une idée en roman, tantôt une idée en philosophie, tantôt une idée en science, Et c’est évidemment pas le même qui peut avoir tout ça. Si vous voulez, les idées,il faudrait traiter comme des espèces de potentiel, lesidées, se sont des potentiels, mais des potentiels déjà engagés dans tel ou tel mode d’expression. Et inséparble du mode d’expression, sibien que je ne peux pas dire: j’ai une idée en général. En fonction des téchniques que jeconnais, je peux avoir une idée danstel domaine, une idée en cinéma, ou bien un autre, une idée en philosophie. qu’est-ce qu’avoir uneidée en quelque chose? Donc je reparle de, du fait de (que)… je fais de la philosophie,vous faites du cinéma. Alors, ce serait trop facile dedire ben oui, la philosophie toutle monde sait qu’elle est prêteà réfléchir sur n’importe quoi. Donc, pourquoi elleréfléhchirait pas sur le cinéma? Or, c’est une idée indigne: alors la philosophie n’est pas faitepour réfléchir sur n’importe quoi. Elle n’est pas faite pour réfléchir sur autre chose. Je veux dire, en traitant la philosophie commeune puissance de réfléchir sur on a l’air de lui donner beaucoupet en fait, on lui retire tout. Car personne n’a besoin de laphilosophie pour réfléchir. Je veux dire, les seuls gens capables,effectivement, de réfléchir sur le cinéma, ce sont les cinéastes, ou les critiques de cinéma, ou ceux qui aiment le cinéma. Ils n’ont absolument pas besoin de laphilosophie pour réfléchir sur le cinéma. L’idée que… les mathématiciens aurait besoin de laphilosophie pour réfléchir sur lesmathématiques est une idée comique. Si la philosophie devraitréfléchir sur quelque chose, mais elle n’auraitaucune raison d’exister. Si la philosophie existe, c’estqu’elle a son propre contenu. Si nous nous demandons:qu’est-ce que le contenu de laphilosophie? Il est tout simple. C’est que la philosophie estune discipline aussi créatrice, aussi inventive que toute autre discipline. La philosophie est unediscipline qui consiste à créerou à inventer des concepts. Et les concepts, çan’existe pas tout fait, et les concepts, ça n’existepas dans une espèce de ciel où ils attendraient qu’unphilosophe les saissisent. Les concepts,il faut les fabriquer. Alors, bien sûr, ça ne se fabriquepas comme ça, on ne se dit pas unjour “Tiens, je vais faire telconcept ou inventer tel concept”, pas plus qu’un peintre ne se dit un jour, “Tiens, je vais faire ah… jevais faire un tableau comme ça”. Il faut qu’il y ait une nécessité. Mais autant en philosophie qu’ailleurs, tout comme un cinéaste ne se ditpas “Tiens, je vais faire tel film”, il faut qu’il y ait une nécessité, sinon il n’y a rien du tout. Reste que… cette nécessité qui est une chosetrès complexe, si elle existe, elle fait que, unphilosophe je sais au moins de quoi il s’occupe, il ne s’occupepas de réfléchir même sur le cinéma. Il se propose d’inventer,de créer des concepts. Je dis que je fais de laphilosophie, c’est à dire,j’essaie d’inventer des concepts. J’essaie pas de réfléchir sur autre chose. Si je dis, vous qui faites du cinéma,qu’est-ce que vous faites? Je prends une définition aussi ah… aussi puérile, donc accordez la moi, ily en a sûrment d’autre et de meilleurs. Je dirai vous ce que vous inventez, c’estpas des concepts, c’est pas votre affaire, ce que vous inventez, c’est… ce qu’on pourrait appeler desblocs de mouvements-durée. Si on fabrique un bloc demouvements-durée, heu…,peut-être que c’est…, que…, on fait…, heu…, du cinéma. Remarquez, …il n’y a pas une questiond’invoquer une histoire de la récuser. Tout a une histoire. La philosophie aussiraconte des histoires. Elle racontedes histoires ni(avec) des concepts. Le cinéma, je pense, mettons,supposons, qu’il raconte, heu…,les histoires avec des blocs… de mouvements-durée. Je peux dire que la peinture invente, elle…, c’est un tout autre type de bloc, c’est ni des blocs de concepts,ni des blocs de mouvements-durée, mais supposons que ce soitdes blocs de lignes-couleurs. La musique invente… un autre type de bloc trèstrès particulier, bon. Mais je dis dans tout ça, lascience, elle est non moins…,vous savez la science elle est… non moins créatrice, heu… je ne vois pas tellement d’oppositionentre les science, les arts, tout ça. Si je demande à un savant: qu’est-cequ’il fait? Là(Les) aussi, il invente,… il ne découvre pas, un savant ou(or) dumoins la découverte ça existe, mais heu… ce(ça en) fait partie, mais ce n’estpas par la qu’on définit une activitéscientifique en tant que telle. Un savant, il invente etcrée autant qu’un artiste. Si heu…, n’importe qui peut parlerà n’importe qui, si un cinéastepeut parler à un homme de science, si un homme de science peutavoir quelque chose à dire àun philosophe et inversement, c’est dans la mesure où, et en fonction de leuractivité créatrice à chacun, non pas qu’il y ait lieu de parler dela création, la création c’est plutôtquelque chose de très solitaire, et de… non pas qu’il y ait lieude parler de la création, mais c’est au nom de ma création quej’ai quelque chose à dire à quelqu’un. Et si j’alignais alors toutes cesdisciplines qui se définissentpar leur activité créatrice, si je les alignais, je dirai bien qu’ily a une limite qui leur est commune, et la limite qui est commune à toutesces séries, à toutes ces sériesd’inventions — inventions de fonctions,inventions de blocs de durée-mouvement,inventions de concepts etc… –la série qui est commune à tout ça ou la limite de tout ça, c’estquoi? C’est l’espace-temps. Si bien que si toutes lesdisciplines communiquent toutes les disciplinescommuniquent ensemble, c’est au niveau de ce qui nese dégage jamais pour soi-même, mais qui est comme engagé dans toute discipline créatrice, à savoir la constitutiondes espaces-temps. Bresson, bon, c’est trés connu, il y a rarement des espacesentiers chez Bresson. C’est des espaces ce qu’onpeut appeler déconnectés. Ç’est à dire, il y a un coin, par exemple, le coin d’une cellule, et puis on verra un autre coin, oubien… un endroit de la paroi etc…, tout ce passe comme si l’espacebressonien, à certains égards, se présentait comme unesérie de petits morceaux dont la connexion n’est pas prédéterminée. Série de petits morceaux, dont, dès lors,la connexion n’est pas prédéterminée. Il y a de très grands cinéastesqui emploient au contraire, des espaces d’ensembles; je ne dis pas que ce soit plusfacile de manier un espaced’ensembles, heu…, hein? Les espaces, il y en atellement au cinéma que… mais je suis pose que… ça c’est…, c’est, c’est un type d’espace sansdoute, il a été repris ensuite, il a été même…, il a servi d’une manière très créatriceà d’autres, qu’ils l’ont renouvelé parrapport à Bressson, mais je supposeque Bresson a été un des premiers à faire de… l’espace avec despetits morceaux déconnectés,c’est à dire des petits morceaux dont la connexion n’est pas prédéterminée. Quand je disais de toutemanière, à la limite de toutque les tentatives de création, il y a des espaces-temps, il y a que ça, ben oui! C’est là que… les blocs de… de durée-mouvements de Bresson vont vont tendre vers ce typed’espace, entre autre. La réponse, elle est donnée. Ces petits morceaux d’espacevisuels, dont la connexionn’est pas donnée d’avance, par quoi voulez vous qu’ilssoient connectés? Si dans par… la main. Et c’est pas la théorie, çac’est pas la philosophie, c’est pas, ça se déduitpas comme ça, mais… je dis: le type d’espaces de Bresson et la valorisation cinématographiquede la main dans l’image sont évidemment liés. Je veux dire le raccordement despetits bouts d’espaces bressonien, du faite même que ce sont des bouts,des morceaux déconnectés d’espaces, ne peut-être qu’un raccordement manuel. D’où l’exhaustions (de) la maindans(en) tout le cinéma de Bresson, bon, heu…c’est… bien, on pourrait continuerlongtemps, parce que par là, le bloc (est)d’étendue-mouvement de Bresson recevrait donc, comme charactère propre à ce créateur, le caractère de cet espace etcaractère très particulier, le rôle de la main qui…qui en sort tout droit, il n’y a plus que la mainqui puisse effectivement opérer des connexions d’unepartie à l’autre de l’espace. Et heu…, Bresson est sans doutele plus grand cinéaste à avoirréintroduit dans le cinéma lesvaleurs tactiles, pas simplement parce qu’il sait heu… prendre en image,admirablement, les mains. Mais, si sait prendre admirablementles mains en image, c’estparce qu’il a besoin des mains. Un créateur, c’est pas un être… qui travaille pour le plaisir. Un créateur ne fait que cedont il a absolument besoin. Avoir une idée en cinéma, encore une fois, c’est pas la même chose cequ’avoir une idée ailleurs. Et pourtant, il y a des idées en cinéma qui pourraient valoir aussidans d’autres disciplines. Il y a des idées en cinéma qui pourraientêtre d’excellentes idées en roman. Mais elles n’auraient pasla même allure du tout. Et puis, il y a des idée en cinéma quine peuvent être que cinématographiques. Ça empêche pas, même quand (série)(c’est) il s’agit d’idées en cinéma qui pourraient avoir une valeur en roman. elle sont (?) déjà engagées dans un prcessus cinématographique qui fait qu’elles sont vouée d’avance. Et ce que je dis compte beaucoupparce que c’est une manière deposer une question qui m’intéresse:Qu’est-ce qui fait qu’un cinéaste a vraiment envie d’adapter, par exemple un roman? S’il a envie d’adapter un roman, il me semble évidentque c’est parce que… il a des idées en cinéma… qui réssone avec ce que le roman présentecomme des idées en roman. Et que là, se font parfois, se font souvent de très grandes rencontres. C’est très différent, je ne posepas le problème du cinéaste quiadapte un roman notoirement médiocre. Il peut avoir besoin du roman médiocre, il en a besoin, ça n’excluepas que le film soit génial. Je pose donc une questionun peu différente, se serait une question intéressantede traiter celà, mais moije pose une question un peudifférente, c’est lorsque… le roman est un grand roman, lorsque… et que se révèle cetteespèce d’affinité… où quelqu’un a en cinéma une idée… qui correspond à… ce qui était l’idée en roman. Un des plus beaux cas, c’est… le cas de Kurosawa. Pourquoi est-ce que Kurosawa se trouvedans une espèce de familiarité avec… Shakespear, et avec Dostoïevski. Pourquoi faut-il un japonais,peut-être aussi en familiarité avec… Shakespear et Dostoïevski. Il faut vous dire, parce que, il me semble, moi je…, c’est c’est uneréponse parmi mille autres possibles, et elle touche aussiun peu la philosophie, je crois. D’où les(?) personnages de Dostoievski,ça peut-être un petit détail. Dans les personnages deDostoïevski, il se passe unechose assez curieuse très souvent. Généralement, ils sont très agité, hein! Un personage s’en va, descenddans la rue, tout ça comme ça, et dit, heu…, “Une telle, la femme que j’aime Tania, Tania m’appelle au secours,j’y vais, je cours, je cours, oui Tania vamourir si je n’y vais pas.” Et il descend son escalier… et (il) rencontre (mais) un ami, ou bien, il voit un chien écrasé, et il oublie completement. Il oublie, il oublie completement que… que Tania l’attend, en train de mourir. Il se met à parler comme ça, il se met… et il croise un autre camarade, ilva prendre thé chez le camarade, et puis tout d’un coup, il dit “Taniam’attend, il faut que j’y aille. Mais… qu’est-ce que ça veut dire ces… hein…voilà… Chez Dostoïevski, les personnages sontperpétuellement pris dans des urgences, et en même temps qu’ils sontpris dans des urgences, qui sontdes questions de vie ou de mort, ils savent que… il y a… une question encore plus urgente, ils ne savent pas laquelle, et c’est ça qui les arrête. Tout ce passe comme sidans la pire urgence, il y a le feu, “Le feu, il faut que je m’en aille.” Je me disais…, “Non non il ya quelque chose plus urgent…, quelque chose de plus urgent, et jebougerai pas tant que je le saurai pas.” C’est “l’idiot”. Ça, c’est l’idiot. C’est la fourmule de l’idiot. “Ah! Mais vous savez, non non…, il y a un problème plus profond…, quel problème? Je ne vois pas bien…, mais laissez-moi, laissez-moi, tout peut brûler, si on quand… non, il faut, il fauttrouver ce problème plus urgent.” Bon. C’est par Dostoïevskique Kurosawa l’apprend, tous les personnage deKurosawa sont comme ça. Je dirais: voilà unerencontre, une belle rencontre. Si Kurosawa peut… adapter… Dostoïevski c’est au moins parce que il peut dire:”j’ai une affaire commune avec lui. J’ai un problème commun, ce problème là.” Les personnages de Kurosawa, ils sont exactementdans la même situation, ils sont pris dans dessituations impossibles. Ah, oui. Ah, mais attention, il y a un problème plus urgent; il faut que je sache quel est ce problème? Peut-être que “Vivre” est un desfilms de Kurosawa qui va le plusloin dans ce sens, mais tous lesfilms de Kuroswa vont dans sens. “Les Sept Samouraïs”, ça me frappe beaucoup heu, parce que tout l’espacede Kurosawa en dépend. C’est forcé que se soitune espèce d’espace ovale, et qui est battu parla pluie, enfin peu… importe, cela nous prendraittrop de temps que… là aussi, l’on tomberait sur…, la limite de tout qui estaussi un espace-temps. Ah… Mais… dans “Les Sept Samouraïs”, vouscomprenez, ils sont pris dans lasituation d’urgence, ils sontaccepté de défendre le village, et d’un bout à l’autre, ils sont travaillés parune question plus profonde. Il y a une question plusprofonde à travers tout ça. Et elle sera dite à la fin par le chefdes samouraïs, quand ils s’en vont, “Qu’est-ce qu’un samouraï?” Qu’est-ce qu’un samourai,non pas en général, mais qu’est-ce qu’unsamourai à cette époch là. A savoir… qulequ’un quin’est plus bon à rien! Les seigneurs n’en n’ont plus besoin, et les paysans vont bientôtsavoir se défendre tout seul. Et pendant tout le film, malgré l’urgence de la situation, les samouraïs sonthantés par cette question qui est digne de l’idiot,qui est une question l’idiot: “Nous autre samouraïs,qu’est-ce nous sommes?” Voilà, heu…, je dirais… une idée en cinéma, c’est de ce type. Vous direz “Non! Puisque c’étaitaussi une idée en roman.” (Mais) une idée en cinéma, c’est de ce type, une fois que… elle est déjà engagé dans unprocessus cinématographique. Vous pourrez dire là, “J’ai une idée,” même si vous l’empruntez à Dostoïevski. Si je dirai de même, je cite très vite. Je crois que… une idée c’est trèssimple; c’est encore une fois c’est pasun concept, c’est pas de la philosophie. Un concept, c’est autre chose, heu, de toute idée, on peut peut-êtretirer un concept, mais, heu, je pense à Minnelli. Minnelli,il a, il me semble, une idéeextraordinaire sur la rêve. Elle est très simple, on pourra dire… et elle est engagée dans tout unprocessus cinématographique qui est le… l’œuvre de Minnelli, et la grande idée de Minnelli surle rêve, il me semble, c’est…(pas) c’est que le rêve concerne avanttout, ceux qui ne rêvent pas; le rêve de ceux qui rêventconcerne ceux qui ne rêvent pas, et pourquoi cela ça lesconcerne? Parce que… Parce que dès qu’il y a rêvede l’autre, il y a danger. A savoir que le rêve des gens… est toujours un rêve dévorantqui risque de nous engloutir. Et que, que les autrerêvent, c’est très dangereux, et que le rêve est uneterrible volonté de puissance, et que chacun de nous est plus ou moins victime du rêve des autre, même quand c’est la plusgracieuse jeune fille, même quand c’est plus gracieusejeune fille, c’est une terribledévorante, pas par son âme, mais par ses rêves. Méfiez-vous du rêve de l’autre,parce que si vous êtes pris dans lerêve de l’autre, vous êtes foutu. Bon. Nous soyez jamais prisdans le rêve de l’autre. Alors, vous comprenez quand on a une idéecomme ça, la question est vraiment pas desavoir si elle est(c’est) vraie ou fausse, la question est de savoir sielle est (toute) importante,intéressante et si elle est belle. Et c’est la même chose enscience, c’est la même choseen philosophie, vous savez… Ou bien je parlerai de, autre example de, idée proprement cinematographique, de la fameuse dissociation Voir/Parler dans un cinéma rélativement récent. Que se soit, alors la aussi jeprends les cas les plus connus, que se soit Syberberg, que se soit lesStraubs, que se soit Marguerite Duras, qu’est-ce qu’il y a de commun? Et en quoi c’est proprementcinématographique, ça c’estune idée cinématographique. Faire une disjonction du visuel et du sonore, c’est heu…, pourquoi ça ne peut pas sefaire au théâtre, pourquoi? Ça peut se faire, ce cela de l’applique alors là, si ça se fait au théâtre, saufexception, à moins que le théâtreait les moyens de le faire, on pourra dire que le théâtrel’a applique du cinéma. Ce qui est pas mal, forcément, mais… c’est une idée TELLEMENTcinématographique qu’assurerla disjonction du voir etdu sonore et du parler. Du visuel et du sonore. Que ça c’est… ça répondrait à l’idée: qu’est-ce qu’un, qu’est-ce que, parexample, avoir une idée cinématographique? Et… on sait en quoi ça consi(ste),je le dis à ma manière pour, une voix parle de quelque chose, en même temps, donc, on parle de quelque chose, en même temps, on nous fait voir autre chose, et enfin, ce dont on nous parle est SOUS! ce qu’on nous fait voir. C’est très importantça, ce troisième point. Vous sentez bien que c’est là quele théâtre ne pourrait pas suivre.Le théâtre pourrait assumer lesdeux premières propsositions. On nous parle de quelque choseet on nous fait voir autre chose. Mais que ce dont on nous parleen même temps se mettre SOUS!ce qu’on nous fait voir – et c’est nécessaire, sinon lesdeux premières opérations,elles (n’)auraient aucun sens, elles auraient guère d’intérêt – si vous préférez, on peut dire, alors en termes plus…, la parole s’élève dans l’air, la parole s’élève dans l’air…, en même temps que laterre qu’on voit, elle… s’enfonce de plus en plus, ou plutôt en même temps que… ce dont cette parole quis’élève dans l’air nous parlait, cela dont elle nous parlaits’enfonce sous la terre. Qu’est-ce que c’est que ça? Si il y a que le cinéma quipuisse faire ça. Je ne dis pasqu’il doive le faire, hein, qu’il l’ait fait mettondeux ou trois fois. Je peux dire simplement, c’étaient de grands cinéastesqui ont eu cette idée. Il ne s’agit pas de dire c’est ça qu’ilfaut faire ou faut pas faire, hein. Il faut avoir des idées,quelles qu’elles soint. Ah! Ça c’est une idée cinématographique, je dis (que) c’est prodigieux,parce que ça assure… au niveau du cinéma… une véritable… ah transformation des éléments. Un cycle des grands éléments… qui fait que, du coup, le cinéma fait un grandécho avec, je ne sais pas, avec une physiquequalitative des éléments. Ça fait une espèce de transformation, l’air, la terre et…, l’eau le feu, parce que ilfaudrait ajouter, j’ai, onn’a pas le temps, évidemment, on…on découvrirait le roledes deux autres éléments. Une…une grande circulation les éléments dans… le cinéma. Une grande circulation leséléments dans le cinéma. Dans tout ce que je dis en plus, çane supprime pas une histoire, hein, l’histoire, elle esttoujours là, mais heu…, mais ce qui nous intéresse, c’estpourquoi l’histoire est-elletellement intéressante? Sinon parcequ’il y a tout ça derrière et avec. C’est tout à fait ce cycle,tel que je viens de le… définir si rapidement, la voix s’élève… en même temps, que ce dont parle lavoix s’enfuit sous la terre, vous avez reconnu la plupartdes films de Straubs, heu…et c’est le grand cycle le grand cycle deséléments chez les Straubs. Mais heu… c’est très important,ce circuit qui fait. quel nous sommes debeauté où en effet il y a perpétuellementdisjonction de ce qu’on voit, puisque ce qu’on voit, c’est uniquement la terre déserte, mais cette terre déserte, elle est comme lourde dece qu’il y a en dessous, et vous me direz “mais ce qu’il y aen dessous, qu’est-ce qu’on en sait?” Ben, c’est justement cedont la voix nous parle. Et c’est comme si la terre, là, se… se gondolait de ce que la voix nous dit, et qui vient prendre place sous la terre, à son heure et en son lieu. Et si la terre et si lavoix nous parle de cadavres, c’est… tout que la lignée des cadavres quivient prendre place sous la terre, si bien qu’à ce moment là, le moindre frémissement de… de… de vent sur la terre déserte, sur l’espacevide où vous avez sous le yeux, sur la terre déserteetc. prend tout son sens, le moindre creux dans cette terre, etc. Mais, heu…, je me dis vous voyez bien, avoirune idée, c’est pas de l’ordrede la communication en tout cas. Et c’est à ça que je voudrais en venir, parce que ça fait partie des questionqui m’ont été très gentiment posées. Je veux dire à quel point tout ce dont on parle est irréductible à toute communication. Ce n’est pas grave. ça veut dire quoi?Ça veut dire, il me semble que…, en un premier sens, on pourraitdire que la communication, c’est… la transmission et lapropagation d’une information. Or une information, c’est quoi?C’est pas très compliqué, tout lemonde le sait: une information,c’est un ensemble de mot d’ordre. Quand on vous informe, on vous dit ceque vous êtes sensés devoir croire. En d’autre termes: informer c’estfaire circuler un mot d’ordre. Les déclarations de polis sont dites,à juste titre, des “communiqués”; on nous communique de l’information,c’est-à-dire, on nos dit ceque nous sommes censés êtreen état ou devoir croire, ce que nous sommes tenus de croire. Ou même pas de croire, mais defaire comme si l’on croyait, puisqu’on… on ne nous demande pas decroire, on nous demande de nouscomporter comme si nous le croyons. C’est ça l’information, la communication, et, indépendamment de ces mots d’ordre, …et de la transmissionde ces mots d’ordre, il n’y a pas de communication,il n’y a pas d’information. Ce qui revient à dire: que… l’information, c’est exactement le systèm du contrôle. Et c’est vrai, (c’est bon…?????)jedis des platitudes, c’est évident. C’est évident. sauf que ça nous concerneparticulièrement aujourd’hui. Ça nousconcerne aujourd’hui parce que… …et c’est vrai que nous (r)enrtonsdans une société que l’on peutappeler une société de conrôle. Vous savez, un penseurcomme Michel Foucault avait analysé deux types desociétés assez rapprochées de nous. Les unes qu’il appelait dessociétés de souverainetés, et puis les autres qu’il appelaitdes sociétés disciplinaires. Et ce qu’il appelait, lui des sociétésdisciplinaires qu’il faisait partir,qu’il faisait partir maintenant – parce qu’il y a toutes les transitionsque vous voulez, avec Napoléon, qui était le passage typiqued’une société de souverainetéà une société disciplinaire, heu…, la société disciplinaire,elle se définissait -c’estcélèbre, les analyses de Foucault sont restées à juste titre célèbres- elle se définissait par laconstituition de millieux d’enfermement: prisons; écoles, ateliers…, hôpitals. Et les sociétés disciplinairesavaient besoin de ça. Ça un peu… engendré des ambiguïtés chezcertains lecteurs de Foucault,parce que l’on a cru que… c’était la dernière pensée de Foucault. Evidemment non. Foucault n’a jamais cru, et même, il l’a dit très clairement,que ces sociétés disciplinairesn’étaient pas éternelles. Et bien plus, il pensait évidemment que… nous entrions, nous… dans un type de société nouveau. Bien sûr, il y a toutes sortes derestes de sociétés disciplinaires,et pour des années et des années. Mais nous savons déjà que nous sommesdans des sociétés d’un autre type, qui sont, qu’il faudrait appeler, c’est Burroughs quiprononçait le mot, et heu…, Foucault avait une très viveadmiration pour Burroughs, heu…, heu… Burroughs proposait le nomde, le nom très simple de contrôle. Nous entrons dans dessociétés de contrôle… qui se définissent trèsdifféremment des disciplines, nous n’avons plus besoin, ou plutôt… ceux qui veillent à notrebien n’ont plus besoin… ou n’auront plus besoinde milieu d’enfermement. Vous direz, c’est pas évidentactuellement avec tout ce que…est-ce qui se passe actuellement,mais c’est pas du tout la question. Il s’agit de peut-être pourdans cinquante ans, maisactuellement, déjà, tout ça, les prisons, les écoles, les hôpitaux sont des lieuxde disucussions permanents. Est-ce qu’il vaut pas mieux, heu…, répondre les soins à domiciles? Oui, c’est sans doute l’avenir, les atelier, les usines, les usines,ben, ça craque par tout les bouts. Est-ce qu’il vaut pas mieux, heu, les régime de sous-traitance et même le travail à domicile? Heu…, bon, les prisons, c’est une question. Qu’est-ce qu’il faut faire?Qu’est-ce qu’on peut trouver? Est-cequ’il n’y a pas d’autres moyensde punir les gens que la prison? C’est des vieux problèmes qui renaissent. (Tâche) les socétés de contrôle ne passeront évidemment plus par des milieux d’enfermement. Même l’école! Même l’école on… faut bien surveiller (en)actuellement les thémes qui naissent, ça se développera que danscinquante ans ou qurante ans, pour vous expliquer que l’épatant se serait faire en même temps l’école, et la profession, (ça) sera très intéressant parce queça l’identité de l’école et de laprofession dans la formation permanente, qui est notre avenir, ça n’impliquera plus forcément le regroupement d’écolier dans un milieu d’enfermement. Heu…, ça pourra se faire toutà fait autrement, ça se fera parMinitel, enfin tout ça heu…, tout ce que vous voudrez, l’épatant ce seraitles formes de contrôle. Voyez en quoi un contrôle ce n’est pasune discipline. Je dirai, par exemple, de… d’une auto, d’un, d’un autoroute, que là vous n’enfermez pas les gens, mais en faisant des autoroutes, vous multipliez des moyens de contrôle.Je ne dis pas que cela soit ça lebut unique de l’autoroute, (rires), mais heu… des gens peuvent tourner àl’infini et sans être du tout enfermés, tout en étant parfaitement contrôlés. C’est ça notre avenir. Les sociétés de contrôle étantde sociétés de disciplines. Alors, pourquoi je racontetout ça? Bon, ben…, parce que… l’information,mettons que cela soit ça, l’information, bon, c’est… c’est heu… le système contrôlé des mots d’ordre, des mots d’ordre qui ontcours dans une société donnée. Qu’est-ce que l’art peut avoir àfaire avec ça? Qu’est-ce que l’œuvred’art…, vous me direz: “allez,tout ça, ça ne veut rien dire.” Alors, ne parlons pas d’œuvre d’art, parlons, disons au moins que, qu’il y a de la contre-information. Par exemple, il y a despays, où dans des conditionsparticulièrement dures et cruelles, les pays de très dures dictateurs, où il y a de lacontre-information…, bon… Heu… Du temps d’Hitler, les juifs qui arrivaient d’Allemagne etqui étaient les premiers à nous apprendre que… il y avait des campsd’extermination en Allemagne, ils faisaient de la contre-information. Ce qu’il faut constater, c’est que, il me semble, jamais la contre-information n’asuffit à faire quoi que ce soit. Aucune contre-informationn’a jamais gêné Hitler. Heu, non! sauf dans un cas. Mais quel est le cas? C’est là que c’est important.Ma seule réponse ce serait: la contre-information devienteffectivement efficace que quand elle est, et elle l’est (de) par nature,donc, heu, c’est pas grave, que quand elle est ou devient(un) acte de résistance. Et l’acte de résistance,lui, n’est ni information, ni contre-information. La contre-information n’est effective que quand elle devientun acte de résistance. Quel est le rapport de l’œuvred’art avec la communication? …Aucun! …aucun. L’œuvre d’art…n’est pas uninstrument de communication. L’œuvre d’art n’a rien àfaire avec la communication. L’œuvre d’art… ne contientstrictement pas la moindre information. En revanch, en revanche… Il y a… une… affinité fondamentale entre l’œuvre d’art et l’acte de résistance. Alors là, oui. Elle a quelque chose à faire… avec l’information et la communication,oui, à titre d’acte de résistance. Quel est ce rapport mystérieux entre uneœuvre d’art et un acte de résistance? Alors, que les homme qui résistent… n’ont ni le temps, ni parfois la culture nécessaire pour avoir le moindre rapport avec l’art? Je ne sais pas. Malraux développe un bonconcept philosophique. Malraux dit une chose trèssimple sur l’art, il dit “C’est la seule chosequi résiste à la mort”. Je dis revenons à mon truc touteà l’heure, au début, sur… Qu’est-ce que c’est, qu’est-cequ’on fait quand on fait de laphilosophie? On invente des concepts. Et je trouve que là, c’est la based’un assez beau concept philosophique. Réflechissez…, oui, qu’est-cequi résiste à la mort. Ben oui, sans doute, heu… il suffit de voir une statuette de… de trois mille ans avant notre éve pour trouver que la réponse deMalraux est une plutôt bonne réponse. Et on pourrait dire, alors, moins bien, du pointde vue qui nous occupe, ben oui, l’art c’est ce qui résiste, c’est ce qui résiste, et c’est peut-êtrenon pas la seule chose qui résiste, mais c’est ce qui résiste. D’où; d’où le rapport, le rapportsi etroit entre… l’acte de résistance et l’art, et l’œuvre d’art. Tout acte de résistancen’est pas l’œuvre d’art, BIEN que, d’une certainemanière elle en soit. Toute œvre d’art n’est pasun acte de résistance etpourtant, d’une certaine manière, elle l’est. Quelles manières mystérieux ilnous faudrait là peut-être, je nesais pas, là il nous faudrait… une autre réflexion, une langue réflexion pour… ce que je veux dire c’est, sivous me permettez de revenir à: “Qu’est-ce qu’avoir une idée encinéma?” ou “Qu’est-ce qu’avoirune idée cinématographique?”. Lorsque je vous disais, prenezle cas par, par example,entre autres, des Straubs, lorsqu’ils opèrent cettedisjonction voix/sonore… dans des conditions telles que… remarquez l’idée…, elle est…, d’autres, de grands autres… l’ont prise d’une autre manière, je crois que chez Straubs, ils laprennent de la manière suivante:cette disjonction, encore une fois… la voix s’élève, elles’élève, elle s’élève…. Elle s’élève, et encore unefois, ce dont telle nous parle, passe sous la terre de nue, sous la terre déserte, que… l’image visuelle étaiten train de nous montrer, image visuelle qui n’avait qucunrapport avec l’image sonore, ou qui n’avait… aucun rapport direct avec l’image sonore. Or quel est cet acte deparole qui s’élève dans l’air pendant que son objet passe sous la terre? Résistance. Acte de résistance. Et dans toute l’œuvre des Straubs l’acte de parole et un acte de résistance. De Moïse… au dernier Kafka…, …en passant par, je cite pas dansl’ordre, je ne sais pas l’ordre, un Non réconciliés jusqu’à Bach. Rapplez vous, l’acte de parole de Bach, c’est quoi? C’est… sa musique, c’est ça musique quiest acte de résistance; acte de résistance contre quoi? C’est pas acte de résistance abstrait, c’est acte de résistancecontre et de lutte active contre la répartitiondu profane et du sacré. Et… cet acte de résistancedans la musique… culmine dans un cri. Tout comme il y a un cri dans Woyzek, il y a un cri de Bach: “dehors, dehors, allez vous en, je veux pasvous voir, je ne veux pas…” Ça, c’est l’acte de résistance. Alors quand les Straubs lemettent en valeur ce cri, alors le cri de Bach, ou quand ils mettent en valeur… lecri de la vieille schizophrènique, la viellei schizophrène dans,je crois, dans Non réconciliés,etc… tout ça, tout…, heu… doit en rendre compte d’un… …ben,… en ce sens… l’acte de résistance, ilme semble, a deux faces: il est humain et c’estaussi l’acte de l’art. Seul l’acte de résistancerésiste à la mort, soit sous la forme d’une œuvre d’art, soit sous la forme d’une lutte des hommes. Et quel rapport y a-t-il entre lalutte des hommes et l’œuvre d’art? le rapport plus étroit pour moi le plus mystérieux. Exactement ce que Paul Kleevoulait dire quand il disait “Vous savez, le peuple manque”. Le peuple manque et en mêmetemps, il ne manque pas. Le peuple manque, cela veut dire que… – il n’est pas clair, ilne sera jamais claire – cette affinité fondamentaleentre l’œuvre d’art et un peuple qui n’existe pas encore Alors, enfin, bon ben, il est très… et bien voilà, je suisprofondément heureux de… de votre très grandegentillesse de m’avoir écouté, et…, et je vous remercie beaucoup.

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