Courgette ! Courgette ? Si t’appelles pas,il peut pas savoir que tu l’aimes. Courgette ! Tu m’apportes une canette. Il va lui offrir son appartement ? Mais non, il ment ! ‘Man, il n’y a plus de bière. Idiot, regardepar terre à côté de la cuisinière. Tu trouves ? Où est ce gamin ? Que fais-tu ?C’est quoi ce désordre ? Tu es bien le fils à ton père,donne-moi ça maintenant. Donne-moi ça ! Allez !- Aïe ! Donne-moi ça,je ne te le répéterai pas. Aïe ! Maman ? Maman ? Il y a eu des coupsde feu et je suis venu voir. C’est par là. Il est là, faites attention,il jette des pommes. Laissez-moi seul avec lui. Tu as quel âge ? Neuf ans. Tu as de la famille ? Il y a ma mère. Tu es Manu d’après la voisine. Manu, c’est Emmanuel ?Moi, c’est Raymond. Appelle-moi Raymond si tu veux.- OK, moi, c’est Courgette. Courgette ?- C’est maman, elle m’appelle Courgette. Tu ne veux pas t’asseoir ? Viens. Alors Courgette,qu’est-ce qui s’est passé ? Qui a tiré sur ta maman ? On va l’emmener à l’hôpital ? Elle était gentille avec toi ?- Des fois, on rigole bien. Quand vous ne rigolez pas ? Quand je monte dans la grange ? C’est quand je fais une bêtiseet que je ne veux pas avoir la raclée. Avec sa jambe raide,elle ne peut pas monter. Ta dernière bêtise, c’était quoi ? Je ne me rappelle plus. Réfléchis, la dernière ? Quand je jouaisavec le revolver. On va chez toi ?- Non, on va à la gendarmerie. Maman vient aussi ? Non, elle ne peut pas venirà la gendarmerie, ta maman. Elle est partie ? Oui, pour toujours Courgette. Quand elle va revenir,elle va me mettre une grosse raclée. Son père n’est pas joignableet il n’a pas d’autres familles. Bien monsieur le juge. Oui, au foyer socialdes Trois Fontaines, je connais. Tiens, c’est chaud,fais attention. Souffle. Allez, on y va. Charlie, la porte, s’il te plaît. On s’installe là. J’ai parlé avec le juge. C’est le monsieur à la téléqui envoie les voleurs en prison ? C’est à peu près ça,mais tu ne vas pas en prison. Je vais t’emmener dans un foyer.- C’est quoi ? Une grande maison où il y ades enfants avec des éducateurs. C’est quoi un éducateur ?- Quelqu’un qui va prendre soin de toi. Ils nous tapent dessus les éducateurs ?- Non et ils ne crient pas non plus. Oui ? Dans la cuisine ?Le grille-pain ? Des flammes comment ? Ferme les porteset mets-toi à l’abri, j’arrive Tu ne bouges pas. Ferme la porte, pousse-toi. Comment tu as fait ça Victor ? Rien, je goûtaiset c’est le grille-pain. Ce n’est pas du pain grillé ?- Si, je te jure ! Arrête de mentir,ça m’énerve. Je voulaisgriller des chamallows, ça a pris feu, la boîte de corn-flakesa pris et le rideau. C’est pleinde pétrole ces choses-là. Que fais-tu là toi ?Je t’avais dit d’attendre dans la voiture. Vous sortezde la cuisine, allez ! Tu as mis le feu ?- C’est un accident. Raymond est ton père ? C’est toi qui les as faits ?- Non, c’est lui. Toi, tu en fais aussi ?- C’est pour les enfants. Tu ne touches pas,remets-le, remets-le. Reviens ici. Rends-moi ça,tu n’es pas chez toi. Qu’est-ce qui se passe ? Lâche-le. Il a volé l’avion.- Non. Si.- Lâche-le, je te dis. Va dans ta chambre,tout de suite. Ça va ? Il te plaît ? Il est à toi. Tu le veuxou tu ne le veux pas ? – Oui, je le veux. Tu dis merci des fois ? Elle est où ta femme ?- Elle est partie. Comme ma maman ?- Si on veut, oui. Elle était malade ?- Non, tu arrêtes avec tes questions ? D’accord. Pourquoi tu me regardes comme ça ?- Je n’ai rien fait. Tu es un spécial toi aussi. Bonjour.- Bonjour, je m’appelle madame Desbois. Je suis la directricedes Trois Fontaines. Tu dis bonjour s’il te plaît.- Bonjour. Le tribunal a appelé. Le juge des enfantsrecevra le petit jeudi prochain. Tiens, tu vas te faireun tas de copains ici. Il faut que j’y aille.- Je veux rester avec toi. Ce n’est pas possible. Tu habites icimaintenant et tu seras bien. Maman va venir ?- J’ai parlé avec la directrice. Elle va tout bien t’expliquer. Toi, tu vas revenir ? Je ne pense pas. Peut-être quand tu iras chez le juge,mais on verra avec la directrice. Je dois partir. Où est la télé ? Dans le foyer,mais c’est interdit pendant la semaine. On la regarde quand alors ? Juste un peule samedi et le dimanche. Comment on fait les autres jours ?- On parle avec les copains, on fait des jeux, on litet on fait ses devoirs. Il y a pleinde choses à faire ici. Viens, c’est par là. Voilà, on appelleça un lieu de vie. Il y en a quatreaux Trois Fontaines et toi, tu vas habiter iciavec huit autres camarades. Que fais-tu là toi ?Tu n’as rien à faire ici. Je cherchais mes crayons. Là, tu vois,c’est la pièce commune où on mange. Là, on faitla cuisine et là, on s’amuse. Par là, il y a les chambreset la salle d’eau pour se laver. Viens. C’est là que tu vas dormir,je te laisse t’installer. À tout à l’heure. Je ne sais pas ce qu’il fait en cours,ses résultats sont lamentables. Les profs me disentqu’il faut garder le contact avec lui, c’est une phase difficile,facile à dire. Il n’en a rien à faireet a failli mettre le feu à la maison. Après la mort de Catherine, il en a bavé.- Ça n’explique pas tout. Tu faisais ton litrede whisky par jour, tu as oublié ? On ne va pas y revenir. Dès qu’on dit Catherine,tu ne t’énerves. Ce n’est pas possible.- Tu arrêtes ! Un jus d’orange. Merci. C’est le matin. Simon. Je n’ai pasfait exprès Rosy. Ce n’est pas grave, bonhomme.- C’est parce que j’ai rêvé de mon papa. Je sais Ahmed. Il va venirme voir aujourd’hui ? Il faudrait qu’il sorte de prison.-Simon, tu te tais. Chaque fois qu’il fait ça,il pleure et ça me réveille. Tu changes de place avec Courgette,tu es d’accord Courgette ? Va t’asseoir. Hissam, tu peux arrêterde faire le clown, mange. Jujube, que fais-tu ?Finis ton pain d’abord. Ma mère m’a écritque c’était bon pour la santé. Tu veux voir ma carte postale,elle vient du Pérou. Cette carte a six mois et plus rien.- Non. Elle s’en fiche de toi,tu n’as pas compris. Arrête Simon. Elle m’écrit toutes les semaines ma maman.- Le mytho. C’est quoi un mytho ? Ça suffit.- Il ne dit que des mensonges. Encore un motet tu vas chez la directrice. Il ne manquait plus que ça.Simon, va chercher une serpillière. Tu sais qu’elle paniquequand on crie, tu l’as fait exprès. Ses parents buvaient, la cognaientet l’attachaient au radiateur. Va t’asseoir. Les tiens,qu’est-ce qu’ils t’ont fait ? Ils te battaient ?- Je ne te parle pas. Soit ils buvaientou il sont en prison. Quoi ?- Il sort d’où lui ? Ici, tu en asau moins pour trois ans. Tu as intérêt à mesoigner ou je te pourris la vie. D’abord,tu beurres mes tartines. Tu es malade, tu vas voir. Ça suffit tous les deux. Lâche-le.- Il me tord les doigts. Aïe ! Attention, crâne d’œuf ! Aïe mes cheveux ! Ça ne va pas, non ?Arrêtez-moi ça. Simon, retourne à ta place. Tu ne vas faire la loi ici,sinon tu as à faire à moi, compris ? Je n’ai rien fait.- Assieds-toi. But, on a marqué !- Non, il y a une faute. Il y a hors-jeu.- On ne compte pas le hors-jeu. Alors Courgette ?- Je ne joue plus. Allez les enfants.- C’est l’heure, on range les ballons. Attends, prendsles vêtements par terre s’il te plaît. Allez Courgette, au lit. Rosy, quand va-t-ellevenir me voir ma mère ? Je ne sais pas Courgette. Tu croisqu’elle est encore fâchée contre moi ? Je ne pense pas. Si ta maman ne vient pas te voir,c’est qu’elle ne peut vraiment pas venir. On a qu’à y aller alors. Raymond sait où c’est,il peut m’emmener. On verra ça demain. Il faut dormir. À demain.- À demain. Entrez. Excusez-moide vous déranger, Je suis inquiètepour le nouveau, Courgette. Il n’a pas bien comprisque sa mère était morte. Il m’a demandéquand elle allait venir. Que luiavez-vous répondu ? Rien, j’ai préférévous en parler d’abord. Je pense que personnene lui a expliqué les choses. La psychologue va s’en charger. Vous avez raison, il ne doit pas se masquerla vérité plus longtemps. Bonsoir.- Bonsoir. Entrez. Courgette, comment ça va ?Tu as envie de me parler aujourd’hui ? Entre. Nous avons pâte à modeler,crayons de couleur. Je veux bienregarder les tâches. Très bien les tâches. Assieds-toi. Je t’écoute. Bon, c’est un cœur ?- Non. C’est une poupée ?- Non. C’est une arme ?- Oui. Tu trouves que ça ressemble à une arme ?- Non, ce n’est rien, c’est nul. Il ne faut pas dire ça. L’important est dete dire une chose, d’exprimer ce quetu ressens avec des mots. Ça peut aider à te reconstruire.- Je ne suis pas cassé. Un peu quand même. Tu penses à ta maman parfois ? Quand on regarde la télé ou quand crâne d’œuf boitune bière en secret dans le parc. Tiens. Ça, c’est le revolverdu tueur de femmes blondes. Oui et il vientd’où ce revolver ? Du JT. Du journal télévisé. Quand irai-je chez le juge ?- Tu es pressé de le voir ? Le gendarme m’a ditqu’il m’accompagnerait. Dis-moi, ce gendarme,tu l’aimes bien, non ? Il m’a donné un avion jaune. Le juge va bientôt te recevoir,peut-être que Raymond pourra t’y conduire. Attention, pour l’instant,tu restes avec nous. Tu habites ici. Oui, mais il va venir ?- S’il le veut bien, oui. Il voudra bien, et après,on ira voir ma mère. Courgette, il faut quetu comprennes que ta maman n’a pas survécu à sa blessure. Ça veut dire qu’elle est morte.- Ce n’est pas vrai, elle va revenir. Non Courgette,elle ne reviendra pas. Il faut quetu sois très courageux. Elle est fâchée,elle fait ça quand elle est fâchée, mais après elle revient toujours. Tu n’as pas oublié demain,tu surveilles l’inventaire. Demain, je ne peux pas. Je vais chez le juge,j’emmène le gamin, Courgette. Courgette,qui a tué sa mère ? Oui, ça ne m’enchante pas. Pourquoi tu t’y colles ?- Je n’en sais rien. Ce n’est pas à nous de faire ça.- Moi, j’obéis. On me dit, je fais. RAS.- Tu as raison, on rentre. Pourquoi font-ils ça ?- Ils sont orphelins. Les parentssont morts dans un accident. Orphelins ?- Les enfants qui n’ont plus de parents. Nous, on a Rosy.- Ce n’est pas pareil. Si c’est pareil.- Tu es trop idiot toi des fois. Le vilain bobo. Arrête Jujube, ça faitdeux semaines, il n’y a plus rien. Tu as vu ? C’est ton père ? Il va venir me chercheret on partira tous les deux en Amérique. Vous allez aller à Beverly Hills ?- Oui et plus loin encore. Tu vas la draguer ? Il est amoureux.- Il est amoureux, il est amoureux ! Il est amoureux ! Ils ont découvert le feu et à partir de là,beaucoup de choses ont changé. Ils ont pu fabriquerdes armes, tailler la pierre, faire un arcavec une branche d’arbre, une liane. Nos ancêtresétaient très, très doués. Les CE2,on va écrire ça dans les cahiers. Vous avez des questions ? Monsieur, est-ce queTarzan était un Cro-Magnon ? Non. Tarzanest venu bien plus tard. Depuis quandtu n’es plus allé à l’école ? Viens au tableau. Tu sais lire,écrire, compter ? Tu sais compter jusqu’à combien ?- Trois milliards. Vas-y, on t’écoute. Un, deux, trois, quatre, cinq, six,sept, huit, dix, 11, 30, 40, 60, un million, 2 millions, 3 milliards. Tu n’en as pas oublié ? Il va falloir revoir les baseset beaucoup de choses. Pas de problème,j’apprends vite. Cro-Magnon,Cro-Magnon, Cro-Magnon ! Rosy, est-ce que c’est mon gendarme ?- Oui, c’est ton gendarme. Tu n’es pas content de me voir ?- Ton uniforme ? Je t’emmène chez le juge. Pour faire le chauffeur,je n’ai pas besoin d’uniforme, on y va. Tu te plais au Trois Fontaines ?- Bof. Rosy est gentille, mais on ne peutjamais regarder la télé. C’est ta passion la télé. Tu connais le tueur de femmes blondes ?- C’est dans un film, ça, non ? Il coupe la femme en rondelles,mais personne ne le trouve. Pourquoi toi,tu ne l’arrêtes pas ? C’est juste une histoire,un polar, une série. Oui, un tueur en série. Ce n’est pas dans la vraie vie.- Si je l’ai vu. Il découpaitla fille et ça saignait. Je ne te dis pas,une vraie boucherie. Ton papa, tu t’en souviens ?- Non, j’étais trop petit. Il est parti faire le tourdu monde avec une poule. Tu ne l’as jamais revu ? Je ne comprends pas,les poules ne voyagent pas. Ta maman, tu l’aimais bien ? Oui, elle me faitde la vraie purée avec des patates. Tu penses souvent à elle ? Est-ce qu’elle te battait ? Tu ne veux pas répondre ?- Je n’ai plus envie de parler. Pourquoitu ne veux plus me parler ? Je ne sais pas.- Toi, tu la tapais parfois ? Des fois,ma mère, elle m’énerve. Elle regarde la télé toutle temps et ne l’éteint plus. Je suis comme un invisible.- Comment ça ? Elle ne parle qu’avec la télé. Il attend quoicet idiot pour l’embrasser ? Elle s’habillecomme une prostituée. La télé, tu la regardes aussi ?- Oui, je regarde tout, même les jeux. Des fois, quand on regardeun film, maman pleure. Les scènes d’amour,ça lui rappelle mon imbécile de père. Ensuite ?- Elle me dit de monter me coucher. Des fois, je redescendset je la trouve endormie devant la télé avec ses canettesvides par terre. Si j’éteins, ça la réveilleet je prends une claque. Alors je laisse alluméet je remonte me coucher. On va notertout ça dans le rapport. Il va y avoir une enquête, mais tu vas devoirrester aux Trois Fontaines. Maman va se demanderpourquoi je ne reviens pas ? Tu as comprisce qu’a dit la psychologue ? Madame Colette,elle me fait jouer aux tâches d’encre. Elle t’a dit queta maman était morte ? Je croyais qu’elle faisaitsemblant et juste en train de dormir. C’est vrai Raymond,elle est vraiment morte ? Je vais parler à sa psychologuepour qu’elle y travaille. Il faut qu’il réalise qu’il ne reverraplus sa mère une fois pour toutes. Courgette, du calme. Vas-y, il est tard. À mon avis, ils sont déjà à table.- Je n’ai pas faim. Descends Courgette.- Je ne veux pas que tu partes. J’ai mon travailet j’ai mon fils aussi. Ce n’est pas possible. Regarde, il y a Rosy qui attend.- Courgette, à table. Courgette, tu manges ?- Je n’ai pas faim. Tu ne quitteraspas la table avant. Tu n’astoujours pas mangé. Tu es une tête de mule toi. Tu es mal tombé avecmoi parce que moi aussi. Je t’ai ditque tu vas manger, allez. Je n’ai pas faim. La directrice te demande.- J’arrive. Tu ne perds rienpour attendre, mange et je reviens. Je vais m’en occuper. Tu as eu une dure journée,viens, on va se coucher. Tu as froid ?Pourquoi tu as cette veste ? Si je ne nettoie pascomme elle veut, je ne mange pas. Elle me donne du painrassis avec des pâtes qui collent. Des fois de la viande répugnante. C’est ta mère ?- C’est sa tante. Elle veut m’adapteret devenir mon tuteur. Elle fait ça pour l’argent. Il n’y a que ça qui l’intéresse,je ne veux pas retourner chez elle. Elle, elle veut me reprendre. Ce n’est pas gentil.- Elle n’a pas le droit. Les enfants, vous venez,on organise un jeu. Dépêchez-vous. Tu voulais me parler ?Reviens plus tard. J’ai un rendez-vous. Pourrais-tu téléphoner à Raymond ?- Le gendarme ? Je t’ai ditque ce n’est pas possible. Ce gendarme a sa vie à lui,son travail, sa femme et ses enfants. Raymond, il n’a plusde femme, juste son fils. Tu ne l’as vu qu’une fois.- Non, deux. Qu’est-ce que ça change ? Pourquoi il aurait envie ? Parce que,Raymond, je l’aime bien. Alors ? Alors avec Victor,il ne rigole pas beaucoup. Courgette, je vais demander à madameColette de passer te voir, d’accord ? Va prendreton goûter maintenant. Rosy, j’ai perdu mon abonnement.- Cherche bien. Je te le jure, il n’y est pas.- Tu as dû l’oublier dans ta chambre. Je l’ai laissé dans la voiture de Raymond.- C’est quoi ce gros mensonge ? Tu veux qu’on luitéléphone pour lui demander ? Quand on est allé chez le juge,c’était après la piscine. L’abonnement,je l’avais mis là. Je vais me débrouiller. Rosy ? Rosy ?- Oui. Tu ne dors pas toi.- Tu lui as téléphoné ? Entre. Assieds-toi. Dis-moi Courgette,cette histoire d’abonnement, tu l’as inventée ? J’ai téléphoné à Raymond.- C’est vrai ? Il a fouillé partout.- Il ne l’a pas trouvé. Qu’est-ce qu’il a dit ?Il a parlé de moi ? Tu l’aimes bien ton gendarme ?- Je n’en ai rien à faire de lui. Il n’a pas dit qu’il allait venir ?- Non. Tu veux une histoire ? Je ne suis plus un bébé. Va dormir alors.- Je n’ai pas sommeil. Tu comptes les moutons.- Il n’y a pas de moutons dans la chambre. Tu es encore là toi. Allez, au lit,à demain. Bonjour, vous êtes bienchez Raymond Dutilleul. Un petit message après le top sonoreet je vous rappelle très vite. Merci. Oui ! Bonjour, vous êtes bienchez Raymond Dutilleul. Un petit messageaprès le top sonore et je vous rappelle– Un petit message après le top sonoreet je vous rappelle très vite Merci. Allô, c’est Courgette. Je te remercie pour l’avion jaune,je le trouve super. Ça me fait penser à toi. Quand viendras-tu me voir ?Salut. Tu as vu Béatrice ? On devaitaller dans le parc. Si tu la vois, tu lui diras. Vous avez un message.- Allô, c’est Courgette. Je te remercie pour l’avion jaune,ça me fait penser à toi. Quand viendras-tu me voir ?Salut. Ça va ? Tu as mangé ?- C’est le gosse de l’autre jour ? Il a pu avoir mon numéroet il n’a même pas dix ans. Tu trouves ça marrant ?- Il est collant, mais il est gentil. Madeleine a préparé quelque chose ?- Il y a des boulettes dans le frigo. Qu’est-ce qu’il te veut cet idiot ?- Arrête Victor. Ce gamin est nul. Tu ne vas pas être jaloux,il vient de perdre sa mère. Il n’est pas le seul. Elle est gentille devant le juge, mais en vrai elle ne ditque des méchantetés. C’est l’argentdu placement qui l’intéresse. Camille, ce quetu dis peut avoir des conséquences. Je ne veux pasaller vivre avec elle. Elle est encore sous le choc. Elle reporte son agressivité sur moi,on peut le comprendre. Pauvre petite,avec une mère pareille. Vous ne vous entendiezpas avec votre sœur ? On n’avait pasla même conception de la vie. Parlez clairement,si vous avez des choses à dire, dites-les. Elle avait beaucoupde charme et elle s’en servait. J’ignore si nous comprenonsles mêmes choses. Ce que voussous-entendez est grave. Je me comprendset c’est le principal. Viens, le juge est là et Camillene veut pas retourner chez sa tante. Tu peux aller jouer Camille,ça va s’arranger. Je ne veux pas y alleret je n’y retournerai pas. Il croit toutce qu’elle raconte. Allez, poussez-vous là. Poussez-vous ! Arrête d’embêter les petits,tous les soirs, la même chose. Oui, je suis désolée.Non, ça ne se reproduira plus. Merci, à bientôt. Je me demandaisoù était mon portable. Tu l’avais perdu ?- C’était Raymond. Il va bien ? Tu n’appelles pas les gensque tu ne connais ni d’Eve, ni d’Adam. D’abord, il s’appelleRaymond et je le connais très bien. On va chezla directrice et tu vas être puni. Tu choisisla vaisselle ou la cour. Des fois, on diraitque tout va au ralenti. À quoi tu penses ? À tous les enfants quisont avec leur papa et leur maman. Nous, on est tout seul. Camille, je voudraisme marier avec toi. On est trop petits.- Quand on sera grand alors. La vie est mieuxquand on est grand ? Je ne suis pas sûr. Lave-toi mieux si tu veux lui plaire.- À qui ? On a repéréton petit manège autour de Camille. Je ne veux pasaller avec lui, lâchez moi ! Je ne le connais pas,je ne veux pas aller avec lui. Ahmed, calme-toi.- Non, va-t-en, tu n’es même pas mon père. C’est bizarre,il disait qu’il adorait son père. Ce n’est pas mon papa. Papa, il a unebarbe et plein de cheveux. Il est rasé à cause de la prison. Il dit qu’il vatrouver un travail, qu’il va venir me chercheret qu’on habitera ensemble. Moi, je neveux pas partir d’ici. Je n’ai jamais entendu ça.- C’est toi qui es une idiotie. Tu es toujours tout seul,personne ne vient te voir. Tu es laid,c’est toi l’idiotie. Je suis une idiotie,tu vas voir ça. Vire-moi ça. Je suis une idiotie.- Lâche-moi. – Arrête Simon.- C’est moi l’idiot, c’est moi. Mets ta tête en avant.En avant, je te dis, voilà et appuies. Comment il estau courant de tout Simon ? Je ne sais pas,il doit écouter aux portes. Pourquoi il est ici ? Où ils sont ses parents ?- Ils sont morts. Voilà, ça saigne plus. Pourquoi ils sont morts ?À cause de la drogue. Des gens prennentde la drogue pour une vie meilleure. Parfois, ils en prennenttellement qu’ils en meurent. Peut-être quela mort est une vie meilleure. Courgette, qu’est-ce qu’il y a ?Qu’est-ce qui se passe ? Tu as mal où ? Où ? Montez dans vos chambres. Courgette,dis-moi où tu as mal ? Jujube, va chercher Rosy, vite. Ça doit être l’appendicite,je vais appeler. Regarde-moi, calme-toi. Il a mal. Aïe ! J’ai appelé,ils seront là dans dix minutes. Ce sont lesgendarmes qu’il faut appeler. Vous pouvez annuler l’ambulance.- Les gendarmes vont plus vite. Toi, tu vas aller au litvite fait et toi aussi Jujube. Allez, allez ! Agression stationservice Milou au carrefour de la rueAmédée et de l’avenue Félix-Faure. Attention, l’individu est armé. Bien reçu, on y va. Je le tiens ce petit idiot. Vous êtes qui ?- Monsieur est un client. Je suis arrivé à temps. Attention, il est armé. Laissez, on s’en occupe. Allez, allez, viens. Raymond, non ! Je t’en prie. Il ne faut pas lui en vouloir. Allez, va t’en. Qu’est-ce qu’il y a ?- Non, mais rien. Tu l’as relâché ?- C’est normal qu’il le frappe ? Il y en a marre de tes crises.- C’est lui qu’il faut enfermer. Avant c’était différent. Avant quoi ?- Du temps de Catherine. Arrête de me parler de Catherine. Tu arrêtes ! Il faut te soigner. Un, deux, trois, soleil,attention Béatrice. Ne bouge pas,tu es en état d’arrestation. Lève les mains. Si je ne veux pas ?- Je serai sans pitié. Oui, tu vas me tuercomme tu as tué ta mère ? Ce n’est pas vrai.- Tu n’as pas tué ta mère ? Ce n’est même pas vrai,tu n’es qu’un menteur. Tu as appuyé sur la gâchette, tu vas alleren prison avec les menottes. Vous n’avez pasfini tous les deux ? Lève-toi,tu t’es fait mal ? Ça va ? Viens,ça ne va pas, non ? Elle était couturièreet travaillait à la maison. Un tas de gensvenaient sonner à notre porte avec un bouton à recoudreou un ourlet de pantalons. Parce que ma mamanavait des doigts de fée. Ton père ? Justement, il n’aimaitpas trop toutes ces visites. Surtoutdes hommes venaient. Un jour,il en a eu marre et il l’a tuée. Quoi ?Ton père a tué ta mère ? Oui. Ça ne va pas ?- Non, ça va. Tu es tout pâle.- Je te dis que ça va. Tu veux qu’on rentre ? Moi aussi,j’ai tué ma mère. Il a raison Simon,je l’ai tuée. J’ai tué ma mèreavec le revolver de mon père. Tout est de ma faute. Ils feront une enquêteet je vais aller en prison. Tu es trop petitpour aller en prison. Ils vont attendreque je sois grand. Je l’aurais bien mérité. J’ai appuyé sur la gâchette.- Arrête Courgette, arrête ! Monsieur Dutilleul, ici madame Desboisdu foyer des Trois Fontaines. Je ne vous dérange pas ?- Je vous écoute. Je vous appelleà propos de Courgette. Qu’est-ce qu’illui arrive encore? Depuis trois jours,il ne va pas bien. Il ne parle pluset il mange à peine. Il refuse de joueravec ses camarades. Il passe ses journées à l’infirmerieet on est tous très inquiets. Il s’est passéquelque chose ? On ne sait pas età la psychologue, il ne veut rien dire. Pourquoi vous m’appelez moi ?- On a eu une idée. On voudrait faire quelque chosepour l’aider et on a pensé à vous. Vous êtes sûreque c’est le travail d’un gendarme ? Je vousdemande ça à titre privé. Tu m’aides ?Il n’y a personne à la lingerie. La directrice, moi et madame Colette,on a fait une réunion. On a parlé de toiet de ta crise d’appendicite, enfin… Tu nous asfait une peur bleue. Madame Colette a penséque ça pourrait être une bonne idée de revoir ta maison. Tu pourrais penserà ta vie d’avant, à ta maman ? Dommage, on s’était ditque pour t’y emmener, on aurait pudemander à Raymond. Tu voudrais y allersi c’était Raymond ? Pour ça, il fautque tu retrouves ta langue. Tu es content de revenir ici ? Même à moi,tu ne veux plus parler. J’ai envie de pleurer.- Tu as retrouvé ta langue. C’est là que je la trouvaisavec la télécommande et ses canettes, en rentrant de l’école. Elle disait toujours qu’on irait voirla mer, mais on n’y est jamais allé. On ne faisait jamais rien. Ce sont des souvenirs. Tu peux emporter des choses.- Elle ne voulait pas qu’on y touche. C’est Simon qui a raison.- Qu’est-ce qu’il t’a dit ? Que j’ai appuyésur la gâchette. Il faut que j’aille en prison,tout est de ma faute. Pas du tout,tu ne l’as pas fait exprès. Si je n’avais pas joué avec le revolver,ce ne serait pas arrivé. Je suis gendarmeet je connais mon métier. C’est un accident. Tu savais qu’il était chargé ? Alors, tu vois bienque tu n’as pas voulu la tuer. Ce n’est pas ta faute.- Tu es sûr ? Tu te rappelles ?Tu es monté par là ? C’est là queje t’ai vu la première fois. Ça me faisait bizarre, avec les ombres sur le mur,je croyais que tu étais un géant. Tu vas monter voir ? J’ai faim, pas toi ? Si tu veux,on peut passer goûter à la maison. Qu’est-ce que tu as ?- Victor ne m’aime pas. Victor, mais pas du tout. De toute façon,il est à l’école. Victor ?- Tu ne travailles pas ? Tu as séché les cours ?- La prof est malade. Juste le jour du contrôle ! Victor, si tu te défilesà chaque contrôle de maths, on ne va pas s’en sortir.- Elle saque tout le monde. Salut.- Salut. Il va goûter avec nous. Où tu ne t’y retrouves pas ? Géométrie, trigo ?- Algèbre, je ne comprends rien. OK, on verra ça samedi.- Non, samedi, je vais chez Alex. Tu annules.- C’est prévu depuis des semaines. Tu iras une autre fois.- Tu ne peux pas me faire ça. Tu le fais exprès ?- Tu préfères la pension ? Oui, allô ?Quelle facture ? Ah oui,pardon, elle est là. C’est ta mère ?Comment est morte ? Qu’est-ce ça peut te faire ?- Elle a été tuée ? Tuée ?- Assassinée comme à la télé ? N’importe quoi. Mon père n’en parle jamais.- Pourquoi ? Ils ont euun accident et il conduisait. Alors ?- Alors rien. Pourquoi il ne veut pas parler ?- Je ne sais pas. Tu m’énervesavec tes questions. Ma collection,tu es fou, ne touche pas à ça. Je ne vais pas l’abîmer.- Ça vaut cher. Tu es allé trop loin,tu vas me le payer. Je ne peux pasvous laisser seuls. Il abîme mes BD.- Tu pourrais faire un effort. C’est lui qui m’a frappé.- Tu as quel âge Victor ? C’est vrai,c’est toi qui a tapé ? Tu dois apprendreà utiliser les mots plutôt que de taper. Tu es d’accord ?- D’accord Raymond. Victor,tu ne veux pas ton goûter ? Je n’ai pas faim.- Je te le laisse sur la tablette. Je ramène le gaminet je prends mon service. Tu m’entends ? Je ne suis passourd et je travaille. Si tu travailles,je te laisse. C’est à cause de moi.- Non, ça n’a rien à voir. Victor et moi,on n’arrive jamais à se parler. Je vais te ramener. On n’est pas pressé,on peut ne rentrer que demain. Tu ne perds pas le Nord. Pourquoi tu n’as pas de revolver ?- Si j’en ai un, il est rangé. Je n’aime pas les armes. C’est quoi ?- Une vieille mini-cassette, un mégaphone. Ça t’intéresse ?- Je ne suis pas sûr qu’il marche encore. Il faut appuyer surles deux touches en même temps. Là, ça marche,ça enregistre, vas-y parle. Je suisle maître des samouraïs. Moi, je suis le policierde l’espace intersidéral. Je suisle maître des samouraïs. Moi, je suis le policierde l’espace intersidéral. Si je n’avais pas tiré avec le revolver,je ne serais pas ici avec toi. Je n’aurais pas mes amis,Camille, Simon et Ahmed. Qu’est-ce que tu racontes ?- Avec maman, j’étais toujours tout seul. Je n’avais personnepour parler et pour jouer. Maintenant, c’est mieux. Tu ne peux pas dire ça Courgette.- Si. Tu es un optimiste.- C’est quoi un optimiste ? Quand on voitla vie du bon côté. Allez, viens. Il n’a pas trouvé de travail et il est repartien Tunisie la semaine dernière. Il n’est pas venu te chercher ?- Je préfère rester ici avec vous. Il y a de la purée aujourd’hui. C’est ton père quand même.- Je ne le connais pas. Tu iras le voirquand tu seras grand. Lâchez-moi, lâchez-moi ! Les enfants, restez ici. Lâchez-moi, lâchez-moi ! Il s’est fait attraperen fouillant les papiers de la directrice, il lisaitles notes des éducateurs. C’est pour ça qu’il savait tout.- Il est viré. Ça ne vousregarde pas, à table. Je ne veux pas qu’il parte.- Tu l’aimes bien Simon, maintenant ? Oui, il était énervant,mais c’était un peu comme un grand frère. Tu t’imaginesque tu vas aller vivre chez lui ? Pourquoi pas ? Les gens veulentbien adopter des bébés, nous, on est trop vieux. Madame Colette dit quedes gens peuvent devenir ton parrain. C’est quoiencore cette idiotie ? Parrain,c’est quelqu’un qui s’occupe de toi. Il doit avoir de la mortalité. De la moralité,pas de mortalité, petit idiot. Il n’y a personne qui veut de nous.- Que vas-tu vas faire ? On va dans un autre foyer. Je connais plein de gens là-bas,ça va être cool. Je n’y resterai pas et je ne vaispas passer ma vie dans les foyers. Tu n’as pas le droit de fumer.- Tu ne vas pas t’y mettre toi aussi. Ciao.- Ciao. Salut.- Salut. Au revoir. Ça me fait çaquand il y en a un qui s’en va. Je suis là moi. Tu ne rêvesque de partir avec ton gendarme. J’ai bien compris. Tu veuxrepasser ta chemise ? Attends lundi,c’est mon jour de repassage. Je vais la mettre ce dimanche.- Tu sors ? Je vais chez Raymond. Je vais voir la mer,j’ai jamais vu la mer. Tu es sûr d’avoir bien compris ?- On s’entend trop bien. Il va me prendre avec lui. Tu as tropenvie de partir ma Courgette. Raymond,il ne viendra pas. Il n’a pasdemandé l’autorisation avant. Il n’en a rienà faire des autorisations. Arrête, il faut demander au juge avant.- Des idioties. Arrête avec les gros mots.- Rien à faire. Je veux voir la mer et je ne veux pasrester ici toute ma vie. Aïe ! Arrête Courgette !Arrête. Frank ! Ça ne va pas, non ?Qu’est-ce qui te prend ? C’est à toi ?Ce n’est pas à toi de faire ça. Viens avec moi. Que fais-tudehors à cette heure-ci ? Allez, monte. Non, tout à l’heure. Réveille-toi, réveille-toi. Que s’est-il passé ?- C’est la bonne femme. Elle m’a déposé iciet ils m’ont empêché de repartir. Pourquoi tu t’es enfui en pleine nuit ?- En quoi ça te dérange ? D’abord, tu ne me parlespas comme ça, c’est compris ? Allez, viens. Tu allais où comme ça ?Réponds. À Beverly Hills.- Tu ne sais même pas où c’est. Je n’en ai rien à faire. Tu crois que tu peuxpartir sans prévenir personne ? Tu as fait une fugue.- Je n’en ai rien à faire. Tu n’en asrien à faire de moi et même si je mourrais. On se calme. Seul la nuit sur les routes,c’est dangereux. Tu comprends ?J’étais inquiet, moi. C’est chez toi que je veux vivre,dans ta maison. J’ai déjà Victor et je ne m’en sors pas,je ne suis pas un bon père. Je le voisque je ne sais pas y faire. Je suis à deux doigtsde le mettre en pension. Ce n’est paspour en prendre un autre alors arrêtede me demander ça. D’accord ? Tiens.- Merci. La directrice va me tuer. Elle va merenvoyer comme Simon. Non. Je vais avoir une corvée. Quel genre ? Balayer la courtous les jours pendant un mois. C’est le bagne. Tu en veux ? Dans tous les cas, ce ne sont pas les fuguesqui vont arranger les choses. Le juge a décidé quetu devais vivre dans un foyer. Toi, tu dois obéirà ce que dit le juge. Tu comprends ? On y va. Je peux monter devant ?- Oui. Ta ceinture,ne l’oublie jamais. J’ai jamais été voir la mer.- C’est dommage, c’est beau et grand. Tu m’emmèneras un jour ?- On verra. On va voirce que dit la directrice. Tu files en étudependant que je parle avec le gendarme. Tu seras punid’une corvée en attendant plus. Viens. On ne s’en sortira pas. Ce gamin a besoind’une surveillance d’une autre nature. Que comptez-vous faire ?- Les Trois Fontaines ne lui convient pas. Oui, le déni de l’autorité,c’est un enfant qui refuse d’obéir. Ce n’est pas qu’il refuse,c’est qu’il n’a jamais appris. Courgette menacel’équilibre de l’ensemble du foyer. Il donne de mauvaisesidées à ses camarades. Madame Desbois a demandéau juge de trouver une solution et d’envisagerun autre établissement. Plus on attend,plus ça va devenir impossible. Dans huit jours,il n’est plus là, décision administrative. Dis Courgette,tu as un cadeau pour Béatrice ? Un cadeau ?- C’est bientôt son anniversaire. Tu as quelque chose ?- Tu crois que ça va lui plaire ? Ne les mange avant la fête. Je ne pourrai pas venir,je suis puni. Mercredi, je passe au tribunal.- Le jour de la fête ? Je saurais si je retournechez ma tante ou si je reste ici. Le tribunal,ça doit être trop classe. La directrice m’a ditqu’elle m’accompagnera. C’est dommage,je ne peux pas venir avec toi pour te défendre. Béatrice,Béatrice, Béatrice ! Je n’ai jamaiseu autant de cadeaux. Commence par celui-là.- Fais pas chier. Arrêtez de dire des gros mots.- Je n’ai rien fait moi. Prends celui-là. De la part de Jujube. Je reste !- Oui ! Je n’irai paschez ma tante. Ils ont fait une enquêtesur elle et je reste ici avec vous. Je reste ! Ça ne te fait pas plaisir ?Le juge a dit que je reste ici. Ça te plaîtà toi de rester ici ? J’en ai marre, je veux partir,je veux que tu viennes avec moi. C’est qu’une prison ici,tu n’as pas compris ? Si on en reste ensemble ? Raymond avait ditqu’on irait voir la mer. Il n’en avait rien à faire,c’était juste pour parler. Moi, je l’ai cru,je suis nul. Il ne reviendra pas. Je ne compte pas pour toi ? Monsieur le juge. Vous êtes le gendarme. Oui, bonjour,je voudrais vous parler de Courgette, enfin d’Emmanuel Larcher. J’ai bien réfléchiet je trouve dommage qu’il quitte les Trois Fontaines. Je peux peut-être… J’ai un fils et ils s’entendenttrès bien tous les deux. Peut-être qu’un dimanche,de temps en temps… C’est très grand la mer. Au moins la piscine,on voit le côté. Zut !- Comment tu t’es débrouillé ? Tu es idiot ou quoi ?- Je m’excuse, je n’ai pas fait exprès. Laisse-moi faire. On se calme ici. Tu n’as pas vu ce qu’il a fait.- Tu pourras faire un effort. Tu en fais des efforts ? Regardez,venez voir, j’ai un crabe. Il est énorme. Tiens, mets-le dans le sceau. Viens, on va mettre de l’eau. Il est très beau. Est-ce qu’une glaceferait plaisir à quelqu’un ? On va y aller. Que fais-tu ?- Je pars, ça ne se voit pas ? Lâche-moi. Et Raymond ?- Je te le laisse, tu es content ? Les gamins qui étaient là,vous ne savez pas où ils sont partis ? Arrête de me suivre. Que veux-tu ?Pourquoi tu me suis ? Il faut retourner au café,Raymond va nous chercher. Fiche-moi la paix. Va t’en,tu vas finir par te perdre. Allez, va t’en ! Je t’avais prévenu,c’est une plaie ce gamin. Il faut téléphoner à Raymond.- Fiche-moi la paix. Partez,laissez-nous tranquilles. Fichez-nous la paix !Arrêtez ! Laissez-le ! Toi, la fermeou je te troue la peau. Arrêtez ! On y va. Courgette n’est pas mauvais,juste un peu bizarre, c’est tout. Il a quand même tué sa mère.- C’était un accident. Ces accidents-làn’arrivent pas par hasard. Merci. Sans toi, j’y passais. Tu parles, c’estle routier qui leur a fait peur. Tu es courageux pour un môme. Victor, ton père,pourquoi tu ne l’aimes pas ? Qui t’a dit que je ne l’aimais pas ?- Je le trouve super. Je l’avais remarqué. Hôpital Édouard Toulouse,04 91 46 29 89. Que s’est-il passé ?Ça fait quatre heures qu’on vous cherche. Je t’emmèneet tu me refais une fugue ? Victor n’avaitjamais fugué avant toi. Jamais, tu entends ? Vous êtes blessés en plus,vous vous êtes battus, fais voir. Appelle Croteil.- Oui. Tu ne dis rien,sinon je vais à la pension. Moi alors ?- Pour toi, ça ne change rien. Tiens-moi ça. Pourquoi tu es parti ? Mets-toi ça sur le nez. Je ne te comprends plus,tu étais bien avec nous. Dis quelque chose.- Qui vole un œuf, vole un bœuf. C’est toi ?On s’en doute. C’est toiqu’a tout manigancé ? Oui. Tu vas dormir làet demain matin, je te ramène. C’étaient juste quelques verres,mais des fois, ça suffit pour… Je n’ai pas vula voiture en face. J’ai réussi à éviter le choc frontal,mais on a fait des tonneaux. Ça n’en finissait plus. Tu ne te souviens de rien ? Puis je me suis retrouvécouché dans un champ. La voiture était retournéesur le toit en plein milieu de la route. J’ai foncé. Vous étiezcoincés tous les deux. Catherine a crié :”Aide Victor, sort Victor !” Je n’arrivaispas à couper ta ceinture. Ça a duré, duré. Après, je t’aidéposé sur le talus. Quand je suis retournépour aider Catherine, j’ai vule camion qui arrivait. Il a klaxonné comme un fou. Il n’en restait plus rien. Juste une carcasse écrabouillée. Je me suis senti tellement coupable,j’en voulais à tout le monde. Surtout à moi. Tu m’en voulais à moi aussi ?- Non, pourquoi ? Je croyais. Courgette,Courgette, c’est l’heure. Il faut qu’on y aille. Où il est ?- Qui ? Le gamin.- Je n’en sais rien. Il s’est enfui,c’est un cauchemar. Merde. Croteil, c’est Raymond,passe-moi Dugommier. Papa, attends. Il ne faut pas lui en vouloir. C’est à cause de moi.- C’est-à-dire ? Hier, la fugue,c’est moi qui voulais partir. Courgette a eu peurpour moi alors il m’a suivi. C’est de ma faute. Tu m’en veux ?- C’est bien que tu me l’aies dit. Là, il faut le trouver. Allez, essaie de ne pasêtre en retard au lycée. C’est dangereuxde jouer avec une arme. Haut les mains,lève les mains, tu es obligé. Ce n’est pas un jeu. Je veux partir très loinet je ferai ce que je veux. Je suis au courant pour la fugue,Victor m’a tout raconté. Je sais que ce n’était pas toi,il fallait me le dire. Quand je parle,personne ne me croit. Moi, je te crois. Chaque fois je te crois,donne-moi le revolver. On va se blesser. De toute façon,un jour, j’irai en prison. Alors maintenant ou après… Pourquoi tu iras en prison ? C’est ton copain qui l’a dit,quand on vole un bœuf, on casse un œuf. Ce n’est pas vrai. Courageux comme toi,on peut s’en sortir. Moi, j’ai confiance en toiet toi aussi, tu dois y croire. Tu n’as plus besoin de moi,tu n’es plus fâché avec Victor. C’est grâce à toi. Avec toi,j’ai appris un tas de choses. Quoi ?- À rigoler d’abord. Quoi encore ?- À être moins sévère, à profiter comme toiet aussi à avoir moins peur. Demain, j’irais voir le juge.- Pour quoi faire ? Demander situ peux venir plus souvent. J’en ai parlé à Victor,il faut que tu sois d’accord. Tu es d’accord ? Camille pourra venir des fois ? On verra.